MAHENDRAPARVATA
LA CITÉ PERDUE KHMÈRE
JUILLET 2021
Après mille deux cents ans passés dans l'oubli, la cité perdue de Mahendraparvata est récemment mise au grand jour par des archéologues français et australiens dans l'épaisse jungle cambodgienne du mont Phnom Kulen. Mentionnée sur d’anciennes inscriptions en pierre, cette ville mystérieuse se situe à une quarantaine de kilomètres au nord-est du temple d'Angkor Wat, dans la province de Siem Reap.

Dissimulée en grande partie par la végétation, l’ancienne cité est tout de même connue depuis des décennies. C’est finalement en 2012 qu’elle est véritablement révélée lors de l’expédition archéologique dirigée par Jean-Baptiste Chevance, de l'Archaeology and Development Foundation de Londres, et Damian Evans, de l'Université de Sydney, entreprise menée dans la continuité des premières trouvailles de l'archéologue et historien de l'art français, Philippe Stern, en 1936. Cette campagne de recherche moderne explore les sols et sous-sols de la jungle impénétrable grâce à une technologie de balayage laser aéroporté Lidar. Cette dernière met en évidence une zone urbaine d’environ quarante à cinquante km² constituée d'un réseau de grandes artères, vraisemblablement la première "ville-grille" à grande échelle élaborée par l’Empire khmer. Cette grille se subdivise en îlots urbains via un système de parcellisation des terres à plus petite échelle, et comprend aussi un ensemble de petits sanctuaires, de monticules et d'étangs ; un système de gestion de l'eau à grande échelle, composé de barrages et d'un grand réservoir inachevé ; et une disposition spatiale distinctive d'un palais royal, d'un temple-pyramide et d'autres éléments d'infrastructure en cohérence avec - et uniques à - toutes les autres capitales connues du royaume khmer, à l’instar de la centaine d’énigmatiques monticules de trois mètres de haut disposés en motifs géométriques.

Dérivé de termes Sanskrit signifiant "Montagne du Grand Indra", le nom Mahendraparvata fait référence au site sacré situé au sommet de la colline communément appelée aujourd'hui Phnom Kulen, un plateau jadis difficile d'accès, qui représente l'un des derniers bastions khmers rouges, régime autoritaire qui occupe et mine la région du début des années 1970 à la fin des années 1990. D’après les découvertes archéologiques, Mahendraparvata date de la fin du VIIIe siècle ou du début du IXe siècle, soit bien des siècles avant que la communauté scientifique n’imagine que de telles villes organisées puissent apparaître dans la région d'Angkor. Cette cité constitue l'une des trois capitales (les autres étant Amarendrapura et Hariharalaya) de Jayavarman II, le premier roi de l'Empire khmer qui règne de 802 à 830 au moins, marquant le début de la période d'Angkor. Édifiée environ trois cent cinquante ans avant Angkor Wat, cette métropole naguère puissante s’identifie immédiatement à un site angkorien, et forme un exemple unique de développement urbain dans le monde khmer. En outre, d’après Chevance, Phnom Kulen sert de site de culte et de pèlerinage tout au long de la période angkorienne, tandis que des documents paléobotaniques suggèrent que ce territoire est utilisé extensivement et intensivement par l'Homme du VIIIe au XIIe siècle.

Comme dans l'ancienne capitale khmère Koh Ker, les preuves révèlent un réseau unique et complexe de digues en terre qui ne semble pas conçu pour la riziculture irriguée. L'échelle et le plan de ce projet ambitieux mais inachevé semblent constituer une sérieuse et remarquable tentative précoce de planification urbaine à grande échelle.

Part intégrante du tissu urbain médiéval d'Angkor, Mahendraparvata offre un regard unique sur la trajectoire historique d'Angkor et de l'Empire khmer, autrefois l'une des civilisations les plus avancées d'Asie du Sud-Est. Cette capitale représente un prototype dans la gestion de l’eau, à l’image de ses vastes lacs artificiels et de ses centres urbains à forte densité, qui deviennent plus tard une caractéristique inhérente au royaume khmer et aux plaines inondées d’Angkor



© Art Digital de Ming Fan


 
À PROPOS DE DUNES OCÉANIQUES
LA GRANDE DUNE DU BINH THUAN
 
 
Question patrimoines naturels, dans l’imaginaire collectif, le Vietnam est associé à des forêts primaires, à des massifs calcaires tourmentés et brumeux, à des cours méandreux, à des zones deltaïques et à des rizières en terrasses. Un autre patrimoine, plutôt méconnu se constitue de vastes champs de dunes océaniques. Les champs de dunes terrestres se retrouvent sur les cinq continents : en Afrique dans le Sahara et le Namib, en Amérique dans la Great Sand Dune et à Death Valley, dans le désert d’Atacama, en Europe à la dune du Pilat, en Arabie dans le désert du Rub Al Khali et du Nefoud, en Asie centrale dans les déserts du Lut, du Registan, du Dehistan, du Karakoum, du Taklimaklan, de Gobi, en Australie dans le désert du Simpson et finalement via les dunes océaniques du sud du Vietnam.

En cette newsletter, Secret Indochina aborde le sujet à travers la grande dune de la province de Binh Thuan, ainsi nommable. Les Français de l’époque coloniale comparent la région avec le littoral algérien ou cyrénéen, les analogies sont permises : des particularismes anthropologiques liés à un Champa en partie islamisé et diverses espèces locales (moustaches de Ravan, oreilles de lion, pandanus, dragonniers, os de dragons, figuiers de barbarie et lézards-papillon géants) accroissent l’exotisme des lieux.

La grande dune s’étend entre Phan Ri et Phan Thiet, dans le nord-est de la province de Binh Thuan : elle constitue une entité semi-désertique, de par ses dimensions et caractéristiques uniques en Asie du Sud-Est. Elle se déploie majestueusement sur une cinquantaine de kms de long sur un axe nord-est sud-ouest et sur une vingtaine de kms de large. Au nord et au nord-est, elle est bordée par la rivière Luy, la RN1 et Phan Ri, sur sa façade sud-est par la Mer de l’Est (anciennement mer du Panduranga, mer de Champa ou mer de Chine du Sud) et par la station balnéaire de Ham Tien, proche du village de Mui Né, au sud par la baie de Phan Thiet. Sa partie septentrionale se forme des dunes blanches (Trinh Nu), en leur partie centrale atteignant plusieurs centaines de mètres de hauteur. Le centre s’étend en terrasses de sables rouges rubéfiés (Suoi Tien) alternant avec d’autres dunes blanches ou jaunes (Hon Rom) disséminées çà et là le long du littoral ou dans les terres ; le sud-est est abrupt, barré par endroits de hautes dunes blanches, les sables y glissant sur le mamelon rocheux de Ba Nai (site de la tour chame de Po Shanu), le sud-ouest s’étend en pentes douces vers la plaine de Phan Thiet.

Vu depuis un satellite, la dune a une forme de demi-lune à l’instar des contreforts méridionaux de la Cordillère annamitique la dominant : un ensemble de massifs rocheux agencés le long d’un arc en demi-cercle, favorisant ainsi la capture des vents. Durant des millénaires, les vents océaniques et des masses anticycloniques alliés à des courants particuliers orientés en couloirs vers la zone déposent des masses de sables et forment ainsi la dune. Certaines hauteurs échappent à l’ensablement, spécialement des caps rocheux dont le Mui Yen. Les séquences d’altération sont caractérisées par des successions de couleurs de sable, notamment le blanc, le blanc jaunâtre, le jaune et le rouge jaunâtre. Les dunes sont riches en quartz et sont enrichies de minéraux lourds comme l'ilménite, le zircon, l'anatase, le rutile, le pyroxène et la monazite. Les dunes y sont de type longitudinal, réversible et pyramidal (deux directions de vent). Elles sont mouvantes, se fusionnent parfois et se déforment sous l’effet de facteurs mécaniques et de vents bimodaux soufflant de manière alternée.

Le climat de la dune est semi-aride de ‘type c’, elle reçoit la mousson du sud-ouest (habituellement de juin à décembre), celle-ci engendre précipitations, orages, typhons et crues créant des oueds périodiques ; les flots alimentant des marres saisonnières de forêt, des zones marécageuses, les lacs de Bau Sen et Bau Trang (au centre-nord de la dune blanche), la nappe phréatique se situant à environ quarante mètres sous les dunes. La fin de la saison des pluies et des typhons (habituellement en octobre et novembre) est le printemps de la dune, buissons et herbes y fleurissent emplissant l’air d’odeurs subtiles, les parties forestières ou buissonneuses y verdissent d’unisson. En quelques semaines à peine, après les dernières pluies, la zone redevient aride et brûle sous les feux et les vents de la saison sèche où seuls cactus et herbes-rases s’épanouissent.

Sur les cordons du littoral où les sables ne sont pas complètement fixés et sur le rebord des plages, la végétation se constitue de buissons ou de petites steppes où croissent en bosquets des herbes basses ou rampantes dont des espèces grasses endémiques du Pacifique, des variétés d’herbe à crabe d’Asie (Digitaria barbata, ou herbe à pommette), des épines du diable (Tribulus terrestris, tête de chèvre, cils du diable ou bindii), des variétés de plantes de vie (Kalanchoe pinnata, la feuille de vie ou la siempre vivo des Espagnols) et d’autres plantes caractéristiques des zones littorales.

Sur les hauteurs dominant les côtes apparaissent des dodonaeas (Dodonaea viscosa ou hopbush), des couronnes-fleur (Calotropis gigantea, l’arka des écrits sanskrits, aux couleurs de lavande, aimée de Shiva, ornant parfois les pourtours des temples indouistes et dont la sève blanche est utilisée pour empoisonner les pointes de flèches), des léonotis à feuilles de népète (Leonotis nepetifolia, ou pompon de soldat, oreille ou queue de lion, dagga ou chandelier de noël), des fougères maritimes (Lygodium salicifolium), des pelouses d’une variété de guimauve (Waltheria indica) et de variétés de magnolias blancs. Dans le sud de la dune se déploient quelques palmeraies, singulièrement celle de Thien Trung.

Au-dessus du littoral sur des dunes colonisées ou dans des dépressions où la nappe phréatique se rapproche se forment des prairies-arides ou des halliers, habitats entre-autres constitués de buissons de figuiers de barbarie (Opuntia ficus-indica, l’opuntia ou figue indienne), de couronnes d’épines (Euphorbia milii ou Paliurus spina-christi, couronne du Christ ou épine du Christ), de moustaches de Ravan (Littoral spinegrass, des herbacées à la houppe buissonnante), de pandanus (Pandanus schmidtinandi, ou baquois), de dragonniers (Dracaena cambodiana), de variétés de Rubiacées aux fleurs délicates et blanches et d’une variété de vigne d’amour (Cassytha filiformis).

Plus dans les terres, à l’abri créé par la barrière formée par les dunes bordant le littoral se développe la forêt-maritime d’origine, elle se trouve encore dans le secteur nord de la dune, dans une zone protégée (Doc Ham). La forêt maritime colonise le centre du réseau des dunes centrales et en recouvre toutes les éminences, de rares sentes incertaines la traversent, en dehors de ces passages elle est pratiquement impénétrable et aussi inhospitalière que griffue ; son sous-bois est bas et effondré, emplis d’épineux et de lianes aux griffes acérées. Elle se compose essentiellement de banyan chinois (Ficus microcarpa ou laurier indien, arbre localement buissonnant), de nombreuses variétés de lianes épineuses, d’Ampélidacées et de Moracées, d’espèces de faux-rotins (Flagellaria indica) et des bambous-épineux formant des rideaux infranchissables hauts de quelques mètres.

Avant les années 1950, tigres, panthères, éléphants, buffles sauvages et rhinocéros règnent en maîtres dans la dune et ses bois, les tortues abondent sur le littoral, baleines, dauphins et requins-baleines croisent au large, le crocodile siamois hante les marais et les rivières adjacentes. lizardY subsistent sangliers, singes, cerfs et chats sauvages. Les particularismes locaux favorisent les reptiles, ceux-ci se répartissent en une dizaine d’espèces dont des lézards suceurs de sang (Calotes versicolor, le lézard changeant), des lézards-papillon géants (Leiolepis guttata), des serpents kukri (Oligodon macrurus) et des cobras royaux (Ophiophagus hannah). Dans les eaux limpides des lacs centraux rodent divers poissons, notamment des anabas, des poissons-chats et des carpes. De nombreuses espèces d’oiseaux nichent dans les bois, dans les prairies ou sur les éperons rocheux du littoral, les plus remarquables étant le héron cendré (Ardea cinerea), l’aigle maritime (Haliaeetus leucogaster), le vanneau indien (Vanellus indicus, caractéristique par son piaillement d’alerte, parfois nommé did-he-do-it ou pity-to-do-it bird), la chouette effraie (Tyto alba) et le pic à dos rouge (Dinopium javanense).

La zone est jadis nommée ghul pron (grande dune) par les Cham du royaume du Panduranga : depuis leurs anciennes capitales de Bal Hanön (la citadelle du Song Luy) ou de Parik (Phan Ri), situées sur les piedmonts nord-ouest et nord de la dune, ils organisent des processions annuelles sur les sites des lacs Bau Ba et Bau Ong, le lac femme et le lac homme, où un temple est jadis érigé (les Bau Sen et de Bau Trang actuels).

Sous d’heureux auspices, la grande dune recèle toujours quelques zones intouchées propices à diverses pérégrinations venteuses… tout en gardant à l’esprit cette citation du Petit Prince : j’ai toujours aimé le désert, on s'assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n'entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence…


© Crédit photo : William Patino

 
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