UNE HISTOIRE DE
DINOSAURES INDOCHINOIS
MARS 2021
Les dinosaures règnent sur Terre durant l'ère du Mésozoïque, entre - 250 millions et 65 millions d'années (Ma). Cet âge qui se divise en trois périodes : le Trias, le Jurassique et le Crétacé, se termine par la cinquième « extinction de masses » que la terre ait connu, au cours de laquelle les dinosaures non aviens, les ammonites et de nombreuses autres formes de vie disparaissent suite à l’impact d’une énorme météorite. Celle-ci, qui mesure vraisemblablement près de dix km de diamètre pour mille milliards de tonnes, provoque un choc d’une énergie correspondant à dix milles fois celle émise par la déflagration de toutes les bombes de l’humanité (cinq milliards de fois celle de la bombe atomique larguée sur Hiroshima le 6 août 1945). Le cratère d’impact de Chicxulub situé sur les côtes du Yucatan au Mexique en est le témoin moderne.

Durant le Crétacé (de -145 Ma à -66 Ma), la Pangée, ce supercontinent formé au Carbonifère qui regroupe presque l’ensemble des terres émergées, finit de se scinder pour former les continents actuels, tandis que l’océan Atlantique s’élargit. Le Gondwana qui commence à se détacher vers -200 Ma se fracture en Antarctique, en Amérique du Sud et en Australie tout en s’éloignant de l’Afrique. Bien qu’il débute par un refroidissement amorcé à la fin du Jurassique, le climat du Crétacé est globalement chaud et sec. L’activité volcanique sur les dorsales océaniques qui s’intensifie libère des quantités majeures de dioxyde de carbone, synonyme d’effet de serre et d’augmentation des températures autant terrestres qu’océaniques (respectivement plus de 10°C et de 7°C qu’aujourd’hui à la fin du Crétacé supérieur). Ce climat ardent sous lequel se développe une végétation principalement constituée de forêts (conifères, arbres à feuilles dont figuiers, magnolias, et Platanaceae) et de savanes, influence drastiquement l’existence des organismes, qui se composent, sur le plan terrestre, de reptiles archosauriens, essentiellement des dinosaures, de petits mammifères, de termites et fourmis, d’Aphidoidea, de Cynipidae, de sauterelles et de papillons ; et sur le plan marin, de raies, de requins modernes, de poissons, de reptiles marins comme les Ichthyosaures, les Plésiosaures et les Mosasaures, de sortes d’ammonites, d’hesperornithiformes (des oiseaux dinosauriens marins), de Foraminifera, de Globotruncana, d’échinodermes tels les étoiles de mer ou les oursins, et de diatomées (micro-algues unicellulaires).

Au niveau de la péninsule indochinoise, nombreuses traces de dinosaures sont retrouvées dans les formations géologiques du bloc de Shan-Tai, ou Sibumasu, qui s’étalent sur les parties ouest de la Thaïlande et de la Malaisie ; et au sein du bloc Indochinois qui s’étire sur le nord-est de la Thaïlande, le Laos (sans compter sa partie nord-ouest), le Cambodge et le Vietnam (excepté sa partie nord-est, qui est délimitée par la dite faille du fleuve Rouge) et l’est de la Malaisie. C’est au sein de ce dernier bloc, au niveau de la formation des « Grès supérieurs » du Laos, dans le bassin de Savannakhet, dont les strates remontent aux stades Aptien-Albien du Crétacé inférieur (entre -100 et -125 Ma), que sont récoltés les premiers fossiles par le géologue-paléontologue français Josué-Heilmann Hoffet.

Affecté au Service Géologique de l’Indochine basé à Hanoi où il étudie les formations continentales du Bas-Laos, ce pionnier collecte en 1936, près de Ban Tang-Vay, les premiers os dinosauriens jamais trouvés au Laos ainsi que des restes de tortues et de crocodiles, que les locaux décrivent comme des restes de « buffles sacrés ». En 1942, il publie la description de quelques ossements de titanosauridés du Sénonien du Bas-Laos, créant de fait deux nouvelles espèces : le titanosaure de Muong Phalane, le Titanosaurus falloti, un imposant dinosaure herbivore et quadrupède, et l’hadrosaure Mandschurosaurus laoensis, un plus petit dinosaure herbivore et bipède à bec de canard, qui vivent tout deux vers la fin du Crétacé aux alentours de -80 Ma.
Lorsque le pays rouvre ses frontières en 1990, le paléontologue Philippe Taquet, alors directeur du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris, s’envole pour Vientiane et Savannakhet pour poursuivre les travaux de Hoffet, dans le cadre d’une mission franco-laotienne, avec une idée en tête : retrouver le site de Ban Tang-Vay. Conjointement aux travaux menés en Thaïlande, plusieurs gisements fossilifères du Crétacé inférieur sont révélés, avec à la clé des ossements et empreintes de sauropodes (attribués à la nouvelle espèce dit Tang-vayosaurus hoffeti, ou « lézard de Tang Vay » – qui, avec le genre Phuwiangosaurus sirindhornae trouvé en Thaïlande, constitue les seuls sauropodes connus d’Asie du Sud-Est), de théropodes et d’ornithopodes ainsi que des restes de tortues, de bivalves d’eau douce et de plantes fossiles.
Par la suite, des campagnes internationales et franco-laotiennes se succèdent, dont notamment celle de Dinosavan : les dinosaures du Paradis menée par l’équipe du paléontologue Ronan Allain du MNHN de Paris, soutenu par la National Geographic Society, et en association avec l’équipe de Thiengkham Xaisanavong du Musée des dinosaures à Savannakhet. Sont finalement mis au grand jour de nouveaux spécimens dont notamment le psittacosaure, un « dinosaure à bec de perroquet » appartenant au groupe des ornithischiens (dinosaures aux pieds d’oiseau) de la super-famille des hadrosauroïdes, une espèce bipède et herbivore de la taille d’une antilope retrouvée aussi en Chine, en Mongolie, et en Thaïlande, qui semble n’avoir vécue que dans l’actuelle Asie, car vraisemblablement coupée du reste du monde au Crétacé inférieur. Sont dévoilés également des restes d’iguanodonte indéterminé et des théropodes, dont le premier signalement définitif de la famille des Spinosauridae en Asie (trouvé en 2012), un nouveau taxon baptisé Ichthyovenator laosensis, littéralement « chasseurs laotiens de poissons », qui mesure de huit à dix mètres de long, et ayant la particularité de disposer d’un crane en forme de crocodile, et d’un voile dorsale sinusoïdale d’environ 50 à 60 cm surplombant l’arrière droite, le bassin et la partie antérieure de la queue. Les spinosaures comptent parmi les plus grands et les plus spécialisés dinosaures carnivores. À noter aussi que des proches cousins du siamotyrannus de la famille des sinraptoridés, dits « voleurs chinois » découverts en Thaïlande, sont soupçonnés d’avoir peuplé le Laos.

Somme toute, les faunes du Crétacé inférieur d’Europe et celles d’Asie du Sud-Est partagent de nombreux points communs, et certaines familles de dinosaures, crocodiles, ptérosaures, mammifères, et tortues sont exclusivement connus sur ces deux continents à la fin de cette ère.

Une partie des restes exhumés sont exposés au musée des dinosaures de Savannakhet, un lieu à visiter après un voyage à Champassak, le bourg qui accueille le site archéologique préangkorien du Vat Phou classé à l’UNESCO, ou une croisière sur le puissant Mékong entre les dites quatre mille îles, un archipel fluvial couronné d’une infinité de gros îlots liquides frémissant entre les rapides ; ou depuis Luang Prabang, la capitale envoutante au patrimoine architectural d’exception


© Crédit illustration : Pierre Lavaud dit Mazan


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CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE
DE LAM SON 719
 
 
Février-Mars 2021 est le cinquantenaire de Lam Son 719, à cette occasion Secret Indochina revient sur cette opération majeure de la Guerre du Vietnam.

Lam Son 719 ou Campagne de la RN 9 est une opération d’envergure menée par les forces armées du Sud Vietnam (ARVN), entre le 8 février et le 25 mars 1971, au centre Laos, le long de la Moyenne et Basse Sepon, entre Lao Bao et le bourg de Sepone (Tchepone). L'objectif de la campagne est de freiner une éventuelle future offensive de l’armée nord vietnamienne (PAVN) contre le centre et sud Vietnam. L'opération dure quarante-cinq jours, elle implique environ dix-sept mille soldats de l’ARVN soutenus par des unités de l'armée américaine du 24e Corps. Toutes les opérations aériennes sont principalement soutenues par la première division aéroportée. Environ dix mille soldats américains soutiennent l'attaque de l'ARVN au Laos. Lam Son 719 est la plus grande opération héliportée de la Guerre du Vietnam, elle engage des moyens considérables dont six cent cinquante-neuf hélicoptères. En raison de l'incapacité des dirigeants sud-vietnamiens à faire face aux réalités stratégiques, l'opération Lam Son 719 s'effondre.

Entre 1959 et 1970, la piste Hô Chi Minh devient l'artère logistique clé de la PAVN et du Viêt-Cong, ce dans leur effort pour mener des opérations militaires visant à renverser le gouvernement du Sud Vietnam. Partant du Nord Vietnam, traversant le centre-est du Laos et aboutissant dans les régions méridionales du Vietnam, depuis 1966, plus de six cent mille hommes, cent mille tonnes de denrées alimentaires, quatre cent mille armes et cinquante mille tonnes de munitions traversent le labyrinthe de la piste, via des pistes en terre de forêt et des transports fluviaux. Le système de pistes est la cible d'efforts constants de la part des Américains, notamment via la création d’une armée secrète hmông commandée par le général Vang Pao et l’utilisation de tout un arsenal d’armes sophistiquées.

En 1970-1971, des signes d'une forte activité logistique se multiplient dans le sud-est du Laos et laissent annoncer une offensive d’envergure ; face à cette menace, les Sud-Vietnamiens et leurs conseillers américains décident de l’opération Lam Son 719.

Les prémices à Lam Son 719 sont l’opération Dewey Canyon, qui vise à préparer et nettoyer les accès à la frontière laotienne vers le sud de Khe Sanh, le poste frontalier de Lao Bao, et à rouvrir l’accès à la route RN 9 abandonnée depuis 1968. Le matin du 30 janvier, des éléments blindés et l’infanterie de la 5ième division d'infanterie s’engagent sur la RN 9 vers l'ouest, les ingénieurs du Génie installent neuf ponts, pendant ce temps, des éléments d'infanterie sont héliportés directement sur la zone de Khe Sanh. Le 5 février, la RN 9 est sécurisée jusqu'à la frontière laotienne, l’aéroport de Khe Sanh est réhabilité. En parallèle, la 101e division aéroportée commence une opération de diversion dans la vallée d'A Shau afin d'attirer l'attention de la PAVN loin de Khe Sanh.

Une fois l’arrière-base de Khe Sanh établie, la véritable offensive débute le 8 février. Après un bombardement d'artillerie préliminaire massif et onze missions des B-52 Stratofortress, l'incursion commence via une offensive menée par une force opérationnelle constituée de blindés et d’infanterie de l’ARVN, quatre mille hommes, composée de la 3ième brigade blindée et des 1er et 8ième bataillons aéroportés. Le 39e bataillon de Rangers est héliporté dans diverses LZ (landing-zones ou LS, landing-sites, lima-sites ou fire-bases, suivant les cas). Les États-Unis fournissent le soutien logistique, aérien et l'artillerie à l'opération, la loi interdisait à leurs forces terrestres d'intervenir sur le territoire laotien. En parallèle des hélicoptères de combat américains assaillent diverses cibles en soutien, générant d’immenses incendies de forêt.

L’offensive se poursuit le long de la RN 9 et l’axe de la rivière Sepon (Xé Pon, Se Pon) au-dessus de laquelle sont établies d’autres LZ de soutien (30, 31, Sophia, Liz, Delta, Hotel, Hope, Lolo, Don, Ranger North et Ranger South). Des combats localisés et sporadiques s’en suivent, les hélicoptères AH-1G Cobra interviennent lors de tous les engagements, les terrains étant presque impraticables aux véhicules non-chenillés. Diverses bases nord-vietnamiennes de la division 308 sont capturées, notamment le 12 février au sud de la LZ Don. Des raids de B-52 soutiennent l’avancée et brûlent des zones entières.

La réponse du Nord Vietnam à l'incursion est graduelle, trente-six mille hommes sont rassemblés et dirigés vers la zone. La méthode choisie par le PAVN pour endiguer l'offensive est d'abord d'isoler les LZ en utilisant l'artillerie, des tirs de mortier, des roquettes de 122 mm et 130 mm fournies par les Soviétiques, puis via des attaques terrestres massives, soutenues des chars T-55. Les contre-attaques commencent le 18 février, notamment sur les LZ Ranger North et Ranger South. Jusqu’au 25 février, s’en suit une série de combats acharnés, contre les LZ et la zone frontalière, mais, malgré l’intervention massive de l’USAF, les Sud-Vietnamiens doivent reculer graduellement vers leur point de départ : Khe Sanh et la côte.

Pour les Nord-Vietnamiens, la Route 9 - Victoire du Sud Laos, est considéré comme un succès. La PAVN revendique avoir éliminé vingt mille ennemis, détruit mille cent véhicules (dont cinq cent vingt-huit chars) et plus de cent pièces d'artillerie, abattu cinq-cents cinq hélicoptères et capturé plus de mille prisonniers. L'expansion militaire de la piste Hô Chi Minh vers l'ouest, qui avait commencé en 1970 est du coup rapidement accélérée. Les troupes royalistes laotiennes se retirent vers le Mékong. Un autre résultat de l'opération est la décision du Politburo de lancer une invasion conventionnelle majeure du Sud Vietnam, voie vers la victoire finale.

Au cours de l'opération, les hélicoptères américains effectuent plus de cent soixante mille sorties ; dix-neuf pilotes américains sont tués, cinquante-neuf blessés et onze portés disparus. L’aviation tactique effectue huit mille sorties pendant l'incursion et largue vingt mille tonnes de bombes et de napalm, les B-52 effectuent mille trois cent cinquante-huit sorties et larguent trente-deux mille tonnes de bombes.

La PAVN déplore treize mille trois cent trente-six KIA (Kill in action), selon l’estimation de vingt-deux mille combattants engagés dans la zone d'opérations ; seuls soixante-neuf soldats ennemis sont déclarés prisonniers de guerre. Les forces armées de l’ARVN font état de mille quatre cent quatre-vingt morts, cinq mille quatre cent vingt blessés et six cent quatre-vingt-onze disparus pour une force en campagne d'environ dix-sept mille hommes. Les forces américaines subissent un nombre stupéfiant de pertes de giravions : cent huit hélicoptères détruits et six cent endommagés. Sur les quelques dix mille soldats américains engagés dans l’opération, deux cent quinze KIA, mille cent quarante-neuf WIA (wounded in action) et quarante-deux MIA (missing in action) sont comptés.

Dans le cadre des programmes spéciaux de Secret Indochina sur la guerre secrète américaine au Laos, il est possible de retrouver diverses LZ établies sur l’axe de la RN 9 en direction de Tchepone (Sophia, Liz, Delta, Hotel, Hope et Lolo). Paradoxalement et à l’instar d’autres batailles des guerres d’Indochine, les batailles de la Guerre du Vietnam se déroulent parfois dans des contrées ou sites à la beauté sauvage et troublante (forêts primaires reculées de la chaîne annamitique, régions deltaïques ou côtières, terres minoritaires), de nos jours certains sont devenus classés parcs nationaux ou réserves naturelles associables à des modules historiques ou culturels. C’est le cas de la partie nord de la zone de l’opération Lam Son 719 puisqu’elle se localise sur les piémonts méridionaux du Hin Namno NBCA, un parc national du centre Laos mémorable pour sa somptuosité particulière et pour le fait de constituer le prolongement occidental du mondialement célèbre massif calcaire de Ke Bang – Phong Nha


 
Secret Indochina
Secret Indochina est née en 2011 suite à la vision de deux professionnels passionnés de voyages authentiques : Tran Quang Hieu et Nicolas Vidal. Secret Indochina est une filiale d’Amica JSC et spécialisée dans le BTB, avec pour vocation d’emmener ses voyageurs vers des sites exceptionnels, des lieux magiques et des communautés méconnues

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