MARS 2022
 
CONTENU
  • Francis Engelmann et l'envoûtante Luang Prabang
  • Thong Nong, à propos d'un massif calcaire du Nord-Est Vietnam
FRANCIS ENGELMANN
ET L'ENVOÛTANTE LUANG PRABANG
Luang Prabang, cette ville envoûtante qu’on ne finit pas de découvrir, au patrimoine exceptionnel, où se côtoient aujourd’hui harmonieusement l’architecture traditionnelle laotienne et le style colonial européen, s’est développée sur plus d’un millénaire d’histoire, au gré des présences étrangères hétéroclites, birmane, siamoise, et française. Blottie dans un écrin de verdure sur une péninsule au confluent du Mékong et de la rivière Nam Khan, stratégiquement placée sur l’ancienne route de la soie, elle constitue durant des siècles l’ancienne capitale du royaume indépendant de Lan Xang – le royaume du million d’éléphant – et un haut symbole du bouddhisme au Laos. Bousculée par les années de conflits afférents aux guerres d’Indochine, cette ville fantôme en ruine qui se meurt doucement après la disparition de son roi et la Révolution Lao de 1975, prend un second élan lors de son ouverture au tourisme au début des années 1990, et à la suite de son inscription sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO en 1995, une reconnaissance dans laquelle se trouve impliqué Francis Engelmann, un curieux passionné, pris d’amour pour Luang Prabang, dont l’histoire personnelle permet de mieux comprendre les nombreuses facettes de l’ancienne capitale royale.

Francis débute sa carrière dans les années soixante-dix en tant qu’urbaniste, dans un bureau d’études proches des organismes d’habitat social à Paris. Intrigué par la vague communiste qui fait affluer en France de nombreux réfugiés d’Asie du Sud-Est, il commence à s’intéresser à l’histoire de cette région d’où viennent ces personnes qui fuient leurs pays d’origine. S’ensuit alors quinze années de voyage à travers la péninsule Indochinoise et l’Indonésie où sa curiosité pour la culture asiatique va croissante. En 1991, il s’installe six années à Vientiane au Laos afin de participer à la création de l’École Nationale d’Administration et de Gestion dans le cadre d’un projet de coopération entre le Laos et la France. Dans le même temps, on le sollicite pour travailler avec les équipes qui préparent l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO de Luang Prabang, qui va marquer le début d’une phase de restauration de son patrimoine et de développement économique. Des centaines de bâtiments sont identifiés pour leur intérêt architectural ; leur destruction est interdite et le centre-ville classé, protégé, permet ainsi à ce joyau, marqué par les affres du temps, de retrouver ses lettres de noblesse.

Après quelques temps passés en France pour se remettre à niveau professionnellement et exprimer à travers des livres sa passion pour l’histoire et l’Indochine, il répond à un nouvel appel pour l’Asie en 2002 lorsque l’UNESCO le recontacte afin de s’investir dans le projet Asia-Urbs « Gestion de l’espace public de Luang Prabang pour le développement socio-économique de la population locale ». Ce programme financé par l’Union Européenne vise à désamorcer la rivalité qui oppose les commerçants Lao installés depuis longtemps en ville et qui appartiennent à l’ethnie Tai (famille ethnolinguistique qui inclut les Lao, les Siamois de Thaïlande, et les Shan de Birmanie), et les Hmong nouvellement arrivés des montagnes environnantes, qui envahissent de leurs étals d’artisanat le « marché de la Poste » à Luang Prabang, l’ancienne Place d’Armes. Conjointement avec d’autres partenaires, Francis effectue un travail de concertation, et de sensibilisation des populations locales qui souffrent d’une certaine ignorance et même parfois de préjugés envers les autres groupes ethniques. Cette initiative sera un succès, les commerçants issus d’ethnies variées se côtoient désormais avec respect ; le marché ethnique prend alors sa dénomination actuelle de « marché artisanal » dans une ville de plus en plus multiculturelle.

Ce goût pour communiquer et rassembler des gens ou des communautés, en favorisant l’interaction et le partage de la connaissance, mêlé à son esprit éclectique et sa soif de comprendre et partager, pousse Francis à se mettre au service de nombreux projets locaux de micro-développement comme : un programme de formation de couturières, de sauvegarde des traditions culturelles et musicales d'un village… Il est vice-président, de 2007 à 2009, d’une association ayant pour vocation la transmission du patrimoine immatériel de Luang Prabang. Le projet d’art et d’éducation « The Quiet in The Land Luang Prabang » réalisé avec le service provincial de l’information et de la culture de Luang Prabang et des Fondations américaines lui fait découvrir le monde de l’art contemporain que ce projet de cinq années (2004-2008) introduit dans la vie de Luang Prabang ; il est celui qui favorise la rencontre entre ces artistes venus du monde entier et les communautés de Luang Prabang.

En plus de l’architecture, son insatiable curiosité l’amène à approfondir ses connaissances en histoire de l’art, en botanique et dans le bouddhisme, des sujets dont il aime à discuter avec les visiteurs qu’il rencontre. Des connaissances qu’il prend aussi plaisir à restituer au travers de nombreux ouvrages et publications sur le Laos et l'Asie du Sud-Est, et via des conférences et promenades culturelles privatives entre les pagodes dorées, les maisons anciennes et les jardins de cette ville bijou, devenue une fierté nationale ; que certains à présent redoutent de voir frappée par le syndrome de la ville-musée et la « gentrification »


 
THONG NONG
À PROPOS D'UN MASSIF CALCAIRE DU NORD-EST VIETNAM
 
 
En cette édition, nous revenons vers Thong Nong, un de nos massifs de prédilection. Le fait qu’il n’y a encore pas si longtemps, Thong Nong soit inaccessible (et complètement reclus depuis l’époque coloniale) le classe dans la catégorie des derniers confins du Nord-Est Vietnam.

Thong Nong se situe dans le nord-ouest de la province de Cao Bang ; il forme une des ramifications méridionales des immenses chaînes calcaires se plissant depuis le centre du Yunnan, ce sous la poussée de l’Himalaya. D’aspect rectangulaire, Thong Nong s’étend sur une quarantaine de kilomètres, sur un axe nord sud-est, entre la Chine et le Vietnam. Sa façade nord-ouest domine les gorges du haut Song Gam ; sa face nord, aux trois quarts en Chine, a l’allure d’un socle rectangulaire escarpé ; son versant occidental surplombe des collines et des crêtes schisteuses ondulant mollement vers le district de Bao Lac. Ses flancs orientaux abrupts font face au massif de Mo Xat et surplombent la vallée de la rivière Tse Lao. Son versant méridional dévale vers le bourg de Tinh Tuc et au loin, vers le mont Pia Oac (1911 m).

Thong Nong se constitue d’un ensemble chaotique d’innombrables pitons calcaires, de sommets entrecoupés de combes encaissées et de cirques boisés. Son point culminant est le Nam Giam (1724 m), ses sommets secondaires sont le Nui Dinh Deng (1517 m), le Mi Luong (1456 m), le Lung Tay Dum (1245 m), le Nui Co Pec (1478 m) et, vers le sud, le Nui Nguom Puc (1367 m). Une série de vallées méandrent vers le cœur du massif, solitudes situées sous le mont Mi Luong, au-dessus du hameau de Coc Phat. Au nord-ouest, non loin des gorges du haut Song Gam, s’étend Dong Mu, une vallée d’altitude verdoyante. Quelques ruisseaux périodiques dont le Song Niao s’échappent de ses hauteurs et viennent alimenter la Song Gam et la Tse Lao.

Des poches de forêt dense croissent dans le centre du massif, s’y développent des dipterocarpus alatus, des lythraceaes, des palmiers ban-ban géants, des fougères arborescentes. Dans ses profondeurs survivent singes, pythons molures (Python molurus) et oiseaux rares ; il y a encore une dizaine d’année il est fréquent d’y rencontrer des panthères (Neofelis nebulosa) et des ours du Tibet (Ursus thibetanus) ; la présence vagabonde de ces derniers expliquant le fait que certains hameaux soient palissadés afin de se prémunir des visites nocturnes, les ursidés étant attirés par les dépôts de maïs engrangés dans les greniers.

Dans les temps anciens, Thong Nong est peuplé par des groupes môn-khmers, vraisemblablement des Khmu, vers le Xème siècle, Nung et Thô s’installent essentiellement dans les vallées. Il y a deux siècles environ, Hmông, Dao et Lolo immigrent de Chine et occupent sommets et contre-pentes.

Les Hmông cultivent bananiers, maïs, chanvre et quelques légumineuses, parfois le pavot ; ils pratiquent la culture sur brûlis, des fumées encore chaudes de leurs parcelles barrent parfois l’horizon. Ils élèvent une race de cochons de montagne, parfois à l’allure de sanglier, au ventre trainant à terre, aux pates courtes, parfois noirs ou à la robe grise tachetée. Quelques familles possèdent des bœufs maigrelets à l’allure de zébus, d’autres élèvent des buffles endémiques et majestueux. Les Hmông sont à l’origine animistes et perçoivent dans les montagnes, les forêts et les rivières la résidence de génies plus ou moins bienveillants.
                                          
Les habitations hmông de Thong Nong, des cases exactement, sont construites à même le sol, en planche, anciennement en terre battue. Habituellement les lieux sont divisés en deux parties : la case principale composée de deux ou trois alcôves, une grande pièce enfumée, des greniers où s’amoncèlent du maïs séché et la case annexe ou une terrasse couverte qui font office de cuisine, et où fume un four en terre cuite destiné à faire cuire la pâtée des cochons. Certaines cases étant délabrées et encombrées.

Au pied des pitons, dans des vallées ou dans des cirques, Tây et Nung, pratiquent la culture du riz irriguée et sont devenus maîtres dans l’aménagement des rizières en terrasses. Les villages relèvent des communes de Yen Son et de Ngoc Dong, district de Thong Nong. Depuis peu, quelques voies empierrées sont aménagées pour « désenclaver » le massif et ses populations ; sa partie nord et centre restent reculées, seules quelques sentes relient des hameaux ou des maisons isolées sous les sommets où des familles subsistent en presque totale autarcie.

Les sentes hmông se faufilent entre cirques et falaises, elles ne connaissent pas les lacets et gravissent presque verticalement les déclivités. Les pistes et les chemins du Nord Vietnam sont traditionnellement tracés sur des lignes de crêtes, disposition commune à des civilisations les plus diverses, qu’il s’agisse des voies royales perses ou des chemins du Tawantinsuyu ; les raisons étant d’éviter les fonds de vallée souvent insalubres, recouverts de végétation impénétrable, de marais, propices aux embuscades et en saison des pluies fréquemment barrés par des éboulements pierreux et des glissements de terrain.

Le fait que le nord-est de la RN4, l’ancienne route coloniale 4 (RC 4), serpente sur les flancs sud du massif et que sa façade septentrionale soit partiellement en Chine confèrent un aspect stratégique au secteur. Entre 1920 et 1950, l’armée française y construit une série de pistes et de ponts, notamment une voie pierreuse menant vers le centre et le mont Mi Luong. D’après les locaux, y est édifié un aéroport de montagne (une piste courte pour avion de reconnaissance). Le site est protégé par un poste ; en 1950, il est attaqué par le Vietminh qui encercle et affame la garnison.

En janvier 1979, suite à l’invasion des divisions chinoises qui s’engouffrent au Nord Vietnam, entre autres via la vallée de la Tse Lao, les minoritaires et des Vietnamiens trouvent refuge dans Thong Nong et s’y dissimulent plusieurs mois. Les Chinois réalisant que leur technique d’assaut frontal n’est pas opportune endurent des problèmes logistiques, et sont de surcroit confrontés à la supériorité des soldats vietnamiens, aguerris par des dizaines d’années de guerre. Le front se stabilise, les Chinois finissent par se retirer en pratiquant la technique de la terre brûlée.

Entre 2007 et 2020, Secret Indochina organise diverses missions dans Thong Nong. La première est presque diplomatique, puisque certains hameaux hmông du centre ne voient pas d’Occidentaux depuis 1950 ; d’après leurs dires, l’apparition inopinée d’un étranger est liée à l’émanation d’un genre de génie. Suite à d’autres missions, Secret Indochina y développe une micro-économie liée au tourisme. En parallèle est créée le Thong Nong Project, projet visant à améliorer les conditions locales, notamment via la rénovation ou la construction de maisons hmông


 
Secret Indochina
Secret Indochina est née en 2011 suite à la vision de deux professionnels passionnés de voyages authentiques : Tran Quang Hieu et Nicolas Vidal. Secret Indochina est une filiale d’Amica JSC et spécialisée dans le BTB, avec pour vocation d’emmener ses voyageurs vers des sites exceptionnels, des lieux magiques et des communautés méconnues

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