LE NGUOI RUNG
LE MYTHE DE L'HOMME DES BOIS
JANVIER 2020
Les populations montagnardes de la péninsule indochinoise vivent dans la crainte du surnaturel, des puissances maléfiques, telluriques, des créatures sylvestres, aquatiques ou minérales, expressions intemporelles et imperceptibles des peurs collectives. Les mythes et les superstitions issues de la nuit des temps s’y manifestent souvent sous forme de divinités anthropomorphes : ogresses lissu, tigres-garous hmông, femmes-tigres silla, filles-forêt jaraï, femmes-fleur raglaï, ondines maa’... Malgré la disparition de la grande forêt un mythe prévaut, s’accroche, perdure, c’est celui du Nguoi Rung, l’Homme des bois. L’analyse de ce mythe, la peur qu’il distille, le récit qu’en firent les explorateurs-ethnographes de l’époque coloniale et une exploration de Secret Indochina dans un massif du Sud Vietnam permettent de s’interroger sur la persistance des peurs ancestrales, sur la transmission des mythes et sur la frontière entre mythe et réalité dans l’imaginaire proto-indochinois.

Pour comprendre le mythe de l’Homme des bois, il convient de savoir ce que furent ces hautes terres, de saisir la vision qu’ont les Proto-Indochinois de leur milieu naturel, ce malgré les conséquences désastreuses des dernières décennies. A l’époque, milieu forestier, végétal, les hauts plateaux constituent un entrelacs de massifs, de plateaux vallonnés, de brousses semi-arides, de forêts-clairière et de forêts-denses, s’étalant sur le Centre Vietnam, le Sud Laos et le Cambodge oriental. Le pays est tenu par une quarantaine de groupes (et sous-groupes), de langue austronésienne ou de langue austro-asiatique, farouches, souvent hostiles à toute présence étrangère : des paysans de la forêt soumis à celle-ci, vivant dans la crainte perpétuelle des génies, au gré des essartages, des moussons, des conflits et des querelles claniques. Un monde particulier, dur, façonné par une nature grandiose. Un pays infernal dans un décor de rêve. Ces minoritaires vivent dans la crainte perpétuelle de la grande forêt, monde mystérieux, résidence de puissances malfaisantes ou de créatures sibyllines, suivant le milieu naturel, les craintes et les mythes varient, mais le respect de la forêt prédomine. Elle atteint son paroxysme chez les groupes du Sud, où les peuplements forestiers sont plus denses. Le mythe de l’Homme des bois dépasse le cadre du Vietnam, il se retrouve chez d’autres populations, du Bhoutan à l’Asie du Sud-Est péninsulaire et insulaire, en Europe centrale et Amérique du Nord, notamment à travers les Yétis et les Big Foot.

Au Vietnam, l’existence du Nguoi Rung est signalée dès les premières missions d’exploration du plateau central, notamment par Henri Maitre, l’administrateur Jules Harrois et par Jacques Dournes, missionnaire-ethnographe des Missions Étrangères, spécialiste des Jaraï et des Coho (Srê). Son approche des mythes forestiers jaraï est en son genre, unique, précise. Chez les Jaraï, il recueille une liste de créatures fabuleuses, s’interroge sur la frontière entre l’imaginaire et le réel, espace-temps où des créatures sylvestres quittent le cadre des espèces zoologiques connues, se fondent dans l’improbable. D’après les mythes oraux jaraï, leurs forêts dissimulaient diverses variétés d’Hommes des bois. Certaines purement chimériques, par exemple les Klöng, anthropophages, capturant des petits enfants pour appâter les crocodiles, les Kang, genre de pygmées, les Nah Tan, pourvus de sabres à la place des bras. Les Kömri se rapprochent le plus de la description commune, grands, rapides, vivant dans les forêts profondes, couverts d’un pelage brun-roux. Dournes propose également un étrange rapprochement entre les orangs-outangs, les singes anthropoïdes de Bornéo et les Raglaï, puisque orang-outang a son équivalent en langage austronésien du Sud Vietnam avec Orang Glai (littéralement, hommes-singes, hommes-forêt), en fait l’antique terminologie pour désigner les Raglaï. Dans les années 1920, le commandant Baudesson signale aussi les créatures dans le Phu Yen :

“« ... Les forêts du Phu Yen étaient hantées par ces monstres, chasseurs d’humains. Les ayant capturés, il les ramenait dans sa grotte, attendait la nuit pour se livrer à des incantations et à des rites hystériques, les mains levées vers les cieux. Afin d’échapper à une aussi fâcheuse rencontre, quand ils étaient forcés de traverser les régions où le monstre habitait, les locaux s’entouraient les bras de gros tubes de bambou. Ainsi, s’ils étaient appréhendés par la chose, ils abandonnaient ces brassards entre les mains de l’agresseur lorsque celui-ci se livrait à ses rites rituels et s’enfuyaient... ».

Durant la guerre du Vietnam, maints combats sont menés en jungle, les témoignages américains au sujet de la créature existent, mais sont quelque peu fantasques, voire extravagants. Les rapports provenant des combattants vietnamiens sont plus sérieux, crédibles, puisque le Viêt-Cong se cacha, combattit et vécut pendant des années dans les plus sombres forêts du pays. Mr Minh Ngoc Van, un ancien militaire évoque le cas d’une section de l’ANV plus terrorisée par des hurlements inhumains que par le sifflement des obus ; dans son Chagrin et la Pitié l’écrivain vietnamien Bao Ninh relate ces faits troublants :

« ... Un jour, Thinh le Chétif, de la première compagnie, s’aventura au milieu des cendres du village, il tua un énorme gorille. Ils se mirent à quatre pour transporter l’animal jusqu’au campement des éclaireurs. Ils l’étendirent à terre, ils commencèrent à raser les poils de la bête. Ils virent alors apparaître une femme grassouillette, à la peau pelée, mi-grise, mi-blanche, aux yeux révulsés. Atterrés, Kiên et toute la bande poussèrent un cri, et s’enfuirent, abandonnant casseroles et planches à dépecer. Personne au régiment ne croyait à cette histoire. Elle était pourtant vraie. Ils avaient enterré cette personne dans une tombe décente. Mais ils n’avaient pas pu éviter sa vengeance. Peu de temps après, Thinh le Chétif fut tué ».

En 1974, suite à ces rapports, le général Hoang Minh Thao, commandant des Forces des hauts plateaux lance des programmes de recherche dans la région. Le gouvernement crée le programme 5202, sous l’égide du professeur Vo Quy, des missions recueillent des mythes oraux. Le professeur Tran Hong Viet découvre une empreinte, divers indices, mais, faute de moyen, les recherches sont finalement abandonnées dans les années mille neuf cent quatre-vingt-dix. Durant les mêmes années, le professeur australien, Helmut Loofs-Wissowa, disciple de B. Heuvelmans, le fondateur de la cryptozoologie, parcourt le Centre Laos à la recherche de la créature. Accompagné par une équipe de la télévision japonaise, il recueille divers témoignages. D’après lui, les Hommes des bois seraient une branche oubliée des Néandertaliens. Dans les années 2010, Secret Indochina organise une expédition dans un massif raglaï du Sud Vietnam et y recueille divers éléments troublants.

De nos jours le mystère des Hommes des bois du Vietnam est toujours aussi opaque, les études sont plus ou moins abandonnées, la grande forêt recule, les mythes forestiers se dissolvent, la mémoire collective s’éteint. Cependant, et pour certains Proto-Indochinois, elle se fixe sur des montagnes-sanctuaires, derniers bastions d’un univers en perdition


© crédit peinture : Joanna Karpowicz


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Secret Indochina est heureux d'annoncer une nouvelle section de notre site internet - Indochina Unvaulted, présentant une anthologie d'articles et de recherches sur les régions et les thématiques qui nous tiennent à cœur à travers le Vietnam, le Laos et le Cambodge, dans un esprit d'aventure, d'exploration, d'innovation et d'humanisme



INDOCHINA UNVAULTED
 

STOCKER STUDIO
QUAND PASSION POUR L'ART MÊLE HUMANITÉ

Éric Stocker est un expert en laque, en décoration à la feuille d'or et en polychromie depuis 1974. Artisan réputé et restaurateur d'antiquités pour des musées nationaux en France, il est invité en 1998, sous le parrainage de l’Union Européenne, à rejoindre un programme redonnant vie à l’art de la laque naturelle au Cambodge. Pendant dix ans, il forme ainsi plus de trois cent cinquante jeunes cambodgiens à la pratique de cette discipline. En 2008, son frère Thierry, lui aussi maître en la matière depuis 1978, le rejoint. Ensemble, ils créent Angkor Artwork (rebaptisé Stocker Studio en 2019) qui cherche à valoriser les artisans locaux, et notamment des femmes khmères en déficiences auditives soutenues par la Fondation Krousar Thmey. En 2019, Éric devient Lauréat du Trophée Culture/Art de Vivre remis par Courrier International, reconnaissance qui consolide davantage sa réputation mondiale.

Lors d'un voyage à Siem Reap, découverte des énigmatiques splendeurs du royaume khmer dans le complexe d'Angkor, et visite de Stocker Studio. Rencontre d’Éric pour échanger sur son histoire personnelle et sur la renaissance de la laque naturelle au Cambodge. Introduction aux différentes techniques de laquage, de dorure, de peinture et de sculpture manuelle sur bois. Dans l’atelier, interaction avec les jeunes artisans et observation des diverses techniques de création à base de coquille d'œuf, de feuille de cuivre, de scarabée, de laque craquelée, de marqueterie de paille, de galuchat ou de parchemin

 

SIX SENSES KRABEY ISLAND
PARADIS INSULAIRE CAMBODGIEN

Retraite balnéaire au radieux Six Senses Krabey Island situé sur une île privée de 12 hectares au bord du parc national de Ream, au Cambodge. Accessible par bateau depuis Sihanoukville, cette expérience exclusive de quarante villas, construites à partir de matériaux responsables, fusionne habilement luxe et nature entre forêt sempervirente luxuriante et vue directe sur l'océan. Qui plus est, ce concept éthique réunit les services haut de gamme Six Senses, et respect de l’environnement via notamment des menus farm-to-table provenant de ses jardins botaniques et d’un système soutenable d’eau potable.

Lors d’un périple à travers la péninsule Indochinoise, immersion dans ce paradis insulaire pour un ressourcement azuréen. Au programme : navigation à travers les eaux turquoise du golfe de Thaïlande sur une planche à bras ou en kayak ; échappée enchanteresse sur l'île de Koh Rong pour plonger en tuba sur la plage de Sok San ou flâner ; relaxation au spa signature avec un traitement de guérison traditionnel khmer ; et participation à une cérémonie de bénédiction bouddhiste dans une pagode. Le soir, contemplation du ciel tropical cambodgien depuis l’observatoire, ou séance cinéma sous les étoiles au bord de la piscine


 

LE MIG-21 
LA KALASHNIKOV VOLANTE 5
Le MiG-21 est un avion de chasse mythique de la guerre du Vietnam. D’origine soviétique, il est utilisé avec brio par les pilotes nord-vietnamiens dans le cadre de la guérilla aérienne. Il est parfois dénommé la Kalashnikov volante. Produit de 1959 à 1985 il est l’avion Mach 2 le plus produit de l’histoire et reste en première ligne plus de trente ans, un record de longévité en parallèle de son concurrent le F-4 Phantom II. Entre 1959 et 1985, 10 645 MiG-21 sont construits en Union Soviétique, un millier entre l’Inde et la Tchécoslovaquie et un nombre imprécis en Chine sous l’appellation de Chengdu J-7. Il reste en service dans les forces aériennes de plus de 14 pays émergeants. Le MiG-21 est le premier chasseur soviétique à combiner les caractéristiques d'un chasseur et d'un intercepteur en un seul appareil. Relativement léger et robuste il peut atteindre Mach 2 avec un turboréacteur de postcombustion proportionnellement peu puissant.

Le MiG-21 est conçu pour de courtes missions d’interception et il va s’avérer parfaitement adapté aux techniques de guérilla de la Guerre du Vietnam. Les premiers MiG-21 arrivent à Haiphong en bateau en avril 1966, ils sont ensuite assemblés et affectés au légendaire Régiment 921 de Chasseurs de l’Armée de l’Air du Vietnam (NVAF). La technique des Nord Vietnamiens est de positionner leurs MiG-21 en embuscade et de mener des attaques brusques sur les appareils américains ou sud-vietnamiens. Ces attaques de guérilla aérienne sont conçues pour venir de plusieurs directions, pour être précises et courtes, elles sont synchronisées avec l’action de batteries de missiles sol-air et avec de l’artillerie anti-aérienne. Certains MiG-21 sont peints aux couleurs camouflage de jungle, volants au ras de la canopée ils sont pratiquement invisibles du haut et indétectables par les radars. Lors des attaques, ils paraissent bondir verticalement hors de la forêt tels des tigres rugissants et furieux, ils mitraillent les avions américains par le bas et se retirent aussitôt. Les pilotes américains les voyant ainsi surgir lancent l’appel d’alerte serpents dans l’herbe mais il est parfois trop tard et les MiG-21 les mitraillent avec leurs canons de 30 mm ou avec leurs missiles Atoll à détection thermique.

 
LE MIG-21 
LA KALASHNIKOV VOLANTE 5

Si pas abattus, les F-105, F-4 ou B-52 de l’USAF sont temporairement contraints de rompre leur formation, d’engager, de perdre temps et munitions ou de se re-router, de faire demi-tour ou de lâcher leurs bombes hors objectif.

De 1967 à 1972, période principale des combats aériens les faits les plus marquants sont les suivants :

• En 1967, les Etats-Unis revendiquent la destruction de 21 MiG-21 ; le Nord Vietnam revendique 17 F-105 Thunderchiefs, 11 F-4 Phantom II, deux Voodoos RF-101, un A-4 Skyhawk, un Vought F-8 Crusader, un EB-66 Destroyer et trois types non identifiés abattus par MiG-21s.
• En 1968, l’USAF revendique la destruction de 9 MiG-21 ; le Nord Vietnam revendique la destruction de 17 avions américains.
• En 1969, les États-Unis abattent trois MiG-21 ; un drone Firebee est détruit par un MiG-21.
• En 1970, les Etats-Unis détruisent deux MiG-21 ; le Nord Vietnam détruit un F-4 Phantom et un hélicoptère CH-53 Sea Stallion.
• En 1972, les Etats-Unis revendiquent la destruction de 51 MiG-21 ; le Nord Vietnam abat 53 avions américains dont deux bombardiers B-52 Stratoforteresse.
Du côté nord-vietnamien les as de cette guerre aérienne sont Nguyen Van Coc (9 victoires), Mai Van Cuong (8 victoires), Nguyen Hong Nhi (8 victoires), Pham Thanh Ngan (8 victoires) ; les as américains étant Charles B. DeBellevue (6 victoires), Randall Cunningham (6 victoires) et William P. Driscoll (6 victoires).

Les circuits mémoires de Secret Indochina permettent d’étudier les conflits modernes du Sud-Est Asiatique via un ensemble de vétérans et de guides-experts qui apportent une nouvelle perspective et vont au-delà du contexte de la guerre.



© Crédit peinture : Peter Van Stigt

 
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Secret Indochina est née en 2011 suite à la vision de deux professionnels passionnés de voyages authentiques : Tran Quang Hieu et Nicolas Vidal. Secret Indochina est une filiale d’Amica JSC et spécialisée dans le BTB, avec pour vocation d’emmener ses voyageurs vers des sites exceptionnels, des lieux magiques et des communautés méconnues

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