NOVEMBRE 2022
 
CONTENU
  • Le crocodile siamois - un crocodile aux aguets
  • La chaîne du Sapin Lumineux - le massif du Can Ty
LE CROCODILE SIAMOIS
UN CROCODILE AUX AGUETS
 
 
En cette édition, nous abordons le sujet du crocodile siamois, une créature emblématique des eaux d’Asie du Sud-Est.

Le crocodile siamois (Crocodylus siamensis) se distingue par une crête osseuse proéminente à l'arrière de sa tête, il mesure de deux à quatre mètres de long, son poids oscille entre quarante et trois cent cinquante kilos. Relique des temps préhistoriques, dormant sous le soleil dans une immobilité de mort, avec les grands félins, les éléphants et les rhinocéros de Sumatra et de Java, il est certainement, de toutes les espèces d’Indochine péninsulaire, celle qui laisse l'impression la plus durable. Même caché ou disparu, il hante souvent l'esprit de celui qui se déplace dans certaines régions reculées ; sa férocité autant que sa vilénie font qu'on cherche à le voir tout en le redoutant.

Avant les années 1950, il est répandu dans presque toutes les contrées deltaïques, il fréquente les rivières des forêts basses du massif sud-annamitique, les cours des contreforts maritimes du haut plateau central et les marécages du sud Dac Lac, les affluents du Mékong. Son évocation est antique puisque les annales chinoises nomment la région du Dong Son (le delta du Fleuve Rouge), le « Pays des hommes crocodiles ». Désormais, en partie éteint, il se retrouve dans le parc national de Nam Cat Tien (Dong Nai, sud Vietnam), vraisemblablement dans la réserve naturelle d’Ea So (Phu Yen, centre-sud Vietnam), dans les monts des Cardamones, dans le Tonle Sap et le long de la Srépok (Mondulkiri).

L’existence du crocodile siamois se compose de périodes alternées de somnolence et d'activité. Pendant la saison sèche, dans un repaire plus ou au moins temporaire, il demeure engourdi dans une vie végétative au cours de laquelle il n'absorbe qu'un minimum de nourriture ; il peut vivoter des semaines dans des bourbiers où son corps noirâtre ressemble de loin à un tronc d'arbre échoué. Parfois, il se meut paresseusement, effectue quelques circonvolutions et regagne son abri, laissant sur le sol une trace caractéristique de bête rampante. Avec l’arrivée de la mousson, il sort de sa torpeur, s'éveille, se déplace vers des affûts d’où, aussi imperturbable que patient, il guète des troupeaux, des bêtes isolées ou égarées, autrefois des humains.

Son alimentation se constitue de poissons, de grenouilles, de crapauds, de lézards, de serpents, d'oiseaux d'eau, de tortues, de sangliers, et aussi, au cours des longs déplacements qu'il entreprend parfois pour se rendre d'un point d'eau à un autre, de poules, de canards, de cochons et de chiens happés au passage près des habitations lacustres. Le crocodile ne dévore pas immédiatement sa proie, il l'entraîne inexorablement dans son abri, obscure retraite creusée sous les berges dont les bancs de sable ensoleillés sont utilisés par la femelle. Elle y creuse des trous pouvant atteindre un mètre de profondeur et y dépose ses œufs ; la ponte a lieu au mois d’octobre, en moyenne une vingtaine d’œufs, longs de six à sept centimètres, éclosant après une période d'incubation de vingt à vingt-cinq jours.

Naguère, les Cau Maa’ du moyen Dong Nai (la Daa’ Dööng) pratiquent la chasse au crocodile, leur vieux pays abonde en marécages, marais, forêts inondées et cours méandreux. La technique consiste à accrocher un canard au bout d’un long bâton, appât vivant attirant le gourmant vers des guerriers à l’affût. Une fois la bête à proximité, elle est percée à l’aide des longues lances, ou entortillée dans un filet adapté. Tannée, la peau est utilisée pour la fabrication de boucliers ou, dans des temps plus anciens, acheminée vers le littoral en guise de troc ou en tribut pour le Champa.
Cau Maa'
En parallèle, les Cau Maa’ possèdent diverses légendes le concernant, notamment celle du crocodile géant du Dong Nai, un monstre engouffrant sans diversification pirogues et villageois. D’autres cultures proto-indochinoises considèrent qu’il est l'exécuteur des jugements divins et ne s'attaque qu'aux personnes ayant des méfaits à se reprocher. Il est pareillement célébré par le Krai Thong (Kraithong), un conte populaire thaïlandais, l'histoire de Chalawan, un seigneur-crocodile.

Les minorités ethniques des monts des Cardamomes le considère comme sacré et le protège depuis des générations. De ce fait, en 2022, les Cardamones abritent une population sauvage de crocodiles siamois conséquente ; principalement dans le marais de Veal Veng (Pursat), le long de rivière Kampong Chrey, dans la vallée de l’Areng, dans la basse Ta Tai et sur la Steung Kiew (Koh Kong), environ cent cinquante créatures. Basé au Cardamon Tented Camp, au Four River Lodge (Ta Tai) ou au Shinta Mani Wild, certaines de ces zones sont approchables via des modules de Secret Indochina. En compagnie de pisteurs cau maa’, d’autres modules sont réalisables dans le parc national de Nam Cat Tien, autour de l’étang de Bau Srau, un des derniers édens du saurien


© Crédit illustration : Wilhelm Kuhnert


 
 
LA CHAÎNE DU SAPIN LUMINEUX
LE MASSIF DU CAN TY
Depuis trente ans, une des passions du service de production de Secret Indochina est la recherche et l’exploration de massifs calcaires. Nous abordions déjà les monts du Thong Nong, du Phu Tha Ca et de Ke Bang. En cette page nous approchons Can Ty, une chaîne emblématique et sauvage du Nord-Est Vietnam.

Can Ty, jadis nommé Tou Miôn et de nos jours Day Sang Thong (la Chaîne du Sapin lumineux), se situe dans le nord-ouest de la province de Ha Giang, à la frontière chinoise. Le massif est reclus depuis l’époque coloniale et se classe dans la catégorie des derniers confins du Nord Vietnam. Il forme également la partie sud-ouest du Geoparc de Dong Van.

Can Ty est la ramification méridionale d’immenses massifs calcaires se plissant depuis le centre du Yunnan sous la poussée de l’Himalaya. Presque à l’aspect d’une demi-lune ou d’un boomerang, le massif s’étend sur trente-huit kilomètres pour une moyenne de cinq-six de large, sur un axe nord sud-est. Sa façade nord surplombe la frontière chinoise, son versant sud-ouest domine le plateau de Quang Ba, la rivière Song Mien et le bourg de Can Ty. Ses contreforts sud, presque verticaux surplombent les gorges de la rivière Ca où en saison des pluies les pentes abruptes du massif y déversent leurs flots laiteux le long de plusieurs cataractes : hautes chutes parallèles bordées de bois-noirs, plongeant dans les brumes délétères des gorges. Le versant oriental surplombe la vallée de Yen Minh et la haute rivière Song Ma.

Can Ty est coupé en deux par la rivière Song Mien, celle-ci ayant creusé des gorges et une vallée vers le milieu du massif. En ses deux parties, les contreforts sont barrés de pentes abruptes et de falaises protégeant un plateau central où s’étendent une infinité de pitons calcaires, de criques, de combes et de petites vallées d’altitude. Les sommets se constituent de roches desséchées et aiguës, de falaises et de rochers à pic, d’éboulis et de plateformes de pierre. Le point culminant est le mont de la Cauronne (1759 m), un sommet noirâtre à l’allure d’une pyramide aux faces rocheuses et non loin de l’actuel village de Sung Wua ; d’autres sommets sont les monts Vang Pao (1723 m), Nui Chay (1617 m), Nui Tranh (1503 m) et Nui Pu My (1222 m), au centre et dominant les gorges de la Song Mien.

Des poches de forêt dense croissent dans le centre, s’y développent des dipterocarpus alatus, des lythraceaes et des fougères arborescentes. La flore y est abondante et diversifiée avec trois cent soixante espèces de plantes de cent trois familles et deux cent quarante-neuf genres. Différents types de forêts recouvrent le secteur : des forêts sempervirentes de basse montagne, de forêts sempervirentes de haute montagne et des forêts de conifères constituées de Podocarpus brevifolius, de cyprès de l’Himalaya (Cupressus torulosa) et de Fokienia, une autre variété de cyprès connue sous la dénomination de bois de Siam.

Environ cent quatre-vingt-quinze espèces de vertébrés et dix-huit espèces d’animaux rares y sont recensées, notamment le Langur de François, le gibbon noir, l’ours malais et celui du Tibet et des chats de Temminck (Phoenix). L’extrême nord-ouest du massif est la localisation des réserves naturelle de Phong Quan et de Bat Dai. Elles se forment de calcaires pentus recouverts de forêt.

Des Hmông blanc et des Vietnamiens peuplent les contreforts ouest, notamment le long de la vallée du Song Mien, vers le bourg de Can Ty, quelques hameaux hmông sont parsemés dans la partie nord et le sud dont Lung Hoa et Lung Tam Cao. Les Hmông y mènent une vie autarcique et cultivent le maïs et le chanvre, un peu de riz durant les moussons. Des Sanchi et Dao vivent sur les contreforts orientaux.

Dans les temps anciens, le massif est très reculé, recouvert de forêts et pratiquement inaccessible. Quelques rares sentes mènent vers ses sommets ; dans les années 1920 les Français élargissent l’une d’entre elles. La voie empierrée située vers le sud de la cluse du Song Mien est toujours utilisée et permet de relier le bourg de Can Ty à Yen Minh.

Entre 2011 et 2022, Secret Indochina y même diverses missions de repérage, notamment dans le cadre d’un programme de trekking traversant la chaîne sur un axe sud nord-est


© Crédit illustration : Steve Kotrch
 
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