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NOVEMBRE 2024
CONTENU
La haute Nam Ngo, une vallée secrète du parc national d'Hin Namno.
Seigneurie shogounale, et dynastie royale des Nguyên
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LA HAUTE NAM NGO
UNE VALLÉE SECRÈTE DU PARC NATIONAL D'HIN NAMNO
Dans la continuité des recherches sur les hauteurs inexplorées de Ke Bang, notamment son énigmatique plateau central de Bac Son, en cette édition, nous abordons le sujet de la haute Nam Ngo, une vallée sauvage formant une partie de la face occidentale du massif et où Secret Indochina effectue une mission de reconnaissance en juin 2024.
La vallée de la haute Nam Ngo se situe au centre Laos, dans la province de Khammouane, en bordure de la frontière vietnamienne, dans le nord du parc national d’Hin Namno NBCA. La vallée au lit gréseux et rougeâtre s’étend sur environ 12 kms de long pour une moyenne de 1 km de large ; elle est orientée nord-ouest sud-est, en sa partie haute, elle se rétrécie formant un défilé. Toutes ses faces sont surplombées par des barres calcaires et des bois épais, lui conférant un aspect aussi dramatique qu’unique et préservant ainsi un milieu d'une pureté rare et intacte.
Le bassin de la Nam Ngo appartient à la région karstique du centre Laos, un ensemble de massifs et de plateaux majestueux s’étendant sur un axe nord sud-est, entre le Kong Lor et Phong Nha – Ke Bang au Vietnam. Ces hauteurs se présentent, pour la plupart, complètement dégagées des formations schisteuses ou gréseuses, qui les entourent, lesquelles ont été érodées, désagrégées, par les eaux sauvages et les agents atmosphériques, au cours des âges géologiques. Les archives dépeignent ainsi la région :
« des calcaires bleus, troués, dentelés, déchiquetés, faisant partie de la vaste nappe calcaire morcelée des Causses de Maha-xai. Ce formidable massif rocheux, d'âge permien (fin ère primaire), se dresse en arc de cercle du voisinage de Dông-hoi jusqu'au-delà de Kham-Kot, barrant sur plus de 260 km le centre de l'Indochine. Dominant l'ensemble, l'imposant Phu Et-va (1512 met.) se dresse en pyramide… »
(Madrolle, p 294, Indochine du Nord, 1932).
C’est cet imposant mont Etva (1492 m d’après les cartes récentes, également connu sous la dénomination de mont Phu Chuang et mont « Tête de Buffle ») qui surplombe la vallée de la haute Nam Ngo au nord, le faîte de cette pyramide étant recouvert d’un plateau serti de falaises blanchâtres. Vers le levant et la proche frontière vietnamienne, la vallée est dominée par des murailles de parfois 300 m de haut, contreforts de la chaîne du Sayphou Louang, un ensemble de pics calcaires particulièrement impénétrable et inconnu, se composant de barres, de cheminées et de failles enchevêtrées dans un chaos inextricable et dont le point culminant est le mont Ayen (978 m). La face occidentale de la vallée est pareillement surplombée par un autre édifice calcaire : le plateau du Phu Phac Kut (791 m), une structure massive de forme carrée, coupée de failles et de ravins. À l’extrémité sud-est de la vallée, les deux faces se rejoignent et y forment un ensemble d’étroites combes calcaires qui constituent les sources de la Nam Ngo.
Ses eaux dévalent de ces éminences, puis forment les nombreux méandres qui caractérisent la partie centrale du cours. Sa partie basse quant à elle rejoint la Nam Xe Bang Fai au niveau de Natangchai. En sa partie moyenne, la Nam Ngo est rejointe par la Houay Hok (Houay Tang) et s’élargit au niveau du cirque de Ban Du (Ban Dou), une plaine rizicole à l’ombre du mont Etva. Y cohabitent diverses communautés dont Ban Neua (Ban Xam Xua), Ban Thongxam, Ban Du, Ban Nong Sen, Ban Vangmaner (Ban Nga) et Ban Tongsam (Sa Lang). La population est un assemblable ethnique où se côtoient des Laos, des Tay-Kadai (Phoutai, Yoi et Kaleung) et des descendants de groupes plus anciens dont, et pour le secteur de l’Hin Namno, des Môn-Khmers proto-indochinois (Khmu, Ma Coong, Ruc, Arem et Salang).
La vallée se distingue par ses trois grottes répertoriées : la Tham Nok Aen, la Tham Pak Tham et la Tham Nam Ork. La Tham Nok Aen doit son nom aux hirondelles (Nok Aen) qui peuplent ses obscurités en compagnie de nuages de chauves-souris. Pendant la guerre secrète du Laos, une de ses salles avec une lucarne abritait régulièrement des militaires nord-vietnamiens et des villageois. La Tham Pak Tham se distingue pour son gour et pour le fait que les locaux pensent qu'une crevette géante réside dans les profondeurs du bassin, sur les falaises surplombant la grotte évoluent des langurs-noirs. La Tham Nam Ork est la résurgence du ruisseau, s’y observent des traces d'animaux sauvages dans le sable et des langurs noirs venant boire à une petite source sur la falaise ou manger sur les arbres.
Durant la guerre secrète, l’axe de la Nam Ngo constituait une des ramifications majeures de la Piste Hô Chi Minh. Les karsts acérés de l’Hin Namno formant un obstacle inaccessible à la piste, cette vallée permettait de naturellement les éviter et de rejoindre la frontière vietnamienne. En amont des sources de la Nam Ngo, la piste remontait une série de contrepentes vers la frontière vietnamienne, traversait la partie sud du plateau de Bac Son, longeait la grande faille de Ca Roong, passait au-dessus de la vallée de Con Cooc et rejoignait ainsi Phong Nha et Dong Hoi sur le littoral.
Certaines de ces voies sont séculaires, utilisées depuis des temps immémoriaux par les groupes proto-indochinois lors d’échanges entre le bassin du Mékong et le Pacifique. Une partie de ces anciens réseaux de rivières navigables et de pistes de jungle furent de ce fait cruciaux lors de la guerre, en particulier le col de Mu Gia (situé sur la face nord du mont Etva). Ces caractéristiques déclenchèrent les plus grandes opérations de bombardements aériens de l'histoire, l’Hin Namno fut la cible de vers 131 271 sorties aériennes, les pilonnages les plus intenses se concentrant sur les ponts, les points d'étranglement, les fonds de vallées et parfois des villages et leurs alentours. Les traces et les séquelles de ces bombardements se retrouvent dans les esprits, dans des zones toujours entièrement cratérisées, ça et là, via diverses carcasses le long des pistes, de rivières et de villages où s’activent les équipes de déminage d’UXO (MAG, Halo, Japan Mine Action Service).
Les monts de la haute Nam Ngo sont sauvages et presque inconnus, la diversité naturelle y est unique et résulte d'une multitude de niches écologiques offertes par des terrains complexes comme des hauts plateaux isolés, des falaises fissurées, de couloirs, des ravins boisés et des grottes. La partie basse de la vallée, après Ban Tongsam et le long des méandres du cours, se constitue de rizières, de plantations de maniocs et de bois d’une espèce de chêne ; plus loin, en rentrant dans la limite du parc, surgie la forêt ancienne, se définissant entre autres par ses peuplements de palmiers cycas (palmiers arborescents), de sraolaos centenaires aux troncs blancs-gris massifs (Lagerstoemia calyculata), plus haut, en fond de vallée, par ses hsienmus (Burretiodendron hsienmu), une espèce d’arbre endémique des hauteurs calcaires.
Quarante-cinq espèces de mammifères y sont provisoirement identifiées en ces hauteurs, dix d'entre elles sont répertoriées comme étant globalement menacées ou presque menacées. Neuf espèces de primates habitent possiblement dans la région, dont le langur de Douc (Pygathrix nemaeus), le langur de François (Semnopithecus francoisi), le macaque d'Assam (Macaca assamensis), le muntjac géant (Megamuntiacus vuquangensis) et le saola (Pseudoryx nghetinhensis) ; diverses espèces de félins comme le léopard nébuleux y sont vraisemblablement présentes.
CRÉDIT D'ILLUSTRATION
- Bannière :
le saola, par Eric Losh.
- Photo n°1 :
vue aérienne sur le parc national d'Hin Namno.
- Illustration n°1 :
la Piste
Hô Chi Minh, par Hoang Tich Chu. 1974.
- Illustration n°2 :
la panthère nébuleuse.
Carte satellite de la vallée de la haute Nam Ngo et de ses hauteurs
SEIGNEURIE SHOGOUNALE
ET DYNASTIE ROYALE DES NGUYÊN
Dans le cadre de l’émaillage perpétuelle de notre production en milieu urbain, nous nous intéressons ici à la famille de Dong Khanh (né Nguyen Phúc Ung Ky ou Nguyen Phúc Ung Duong), le 9ème souverain de la dynastie Nguyên, qui aura neufs descendants, et notamment la princesse Ngoc Son, dont la maison-jardin en bordure de la cité impériale de Hue fait partie des derniers témoins sur pied de l’histoire dynastique du Vietnam.
Avant de se pencher sur la vie familiale de Dong Khanh, il semble opportun de s'intéresser au passé du clan familial des Nguyên qui peut se conter en deux périodes distinctes : celle des seigneurs shogounaux qui gouvernent la partie Sud du Vietnam, la dénommée Cochinchine, de 1558 à 1802, et celle de la dynastie royale des Nguyên qui règnent sur tout le Vietnam de 1802 à 1945.
La première période est associée à l’expansion territoriale vers le Sud, la fameuse « marche vers le sud » qui se produit progressivement et de manière relativement pacifique et libérale grâce à l’essaimage de
dôn dien
, colonies militaires créées dans un objectif d’appropriation territoriale progressive et de défense contre les voisins belliqueux ; conjointement à une transformation des terrains assimilés généralement réformés en rizières. Cette poussée vers le sud, à l’image de la poussée vers l’Est (
Drang Nach Osten
) allemande du XIIè au XIVè siècle, assoit la domination des Seigneurs Nguyên qui réalisent une œuvre remarquable dans l’agriculture, l’artisanat et le commerce extérieur, non sans troubles internes entre membre du palais, et rivaux politiques dont les Trinh au Nord, puis les Tây Son, qui se mettent à la tête des masses paysannes pour se révolter en 1771, et fonder leur dynastie en 1788. Un triomphe fulgurant mais tout aussi rapidement mis sous cloche à la suite de la mort de son fondateur Nguyên Huê (alias Quang Trung), qui ne peut compter sur son héritier pour poursuivre son œuvre car étant incapable de résister à Nguyên Anh (alias Gia Long) qui monte sur le trône en 1802 et crée la dynastie royale des Nguyên.
Vient ainsi cette seconde période qui se divise en deux phases : celle de l’indépendance nationale, de 1802 à 1883, et celle du protectorat français de 1883 à 1945. Cette première phase où règnent respectivement Gia Long (1802-1820), Minh Mang (1820-1841), Thieu Tri (1841-1847), et Tu Duc (1847-1883) est synonyme de réunification et de stabilité du pays et de montée en puissance, bien que l’empire soit marqué par l’absolutisme, l’immobilisme, le manque d’ouverture à l’Occident (et au christianisme considéré comme perverse), et le refus de moderniser le pays, considérant la science et la technique comme ingrédients de barbarie, que de certains observateurs relèveront comme des prétextes à l’invasion française qui suivra.
Cette politique de la porte fermée enveloppée de persécutions auprès des catholiques amène finalement Tu Duc a capitulé devant l’offensive française et ouvre la seconde phase, celle du protectorat français où se succéderont neuf rois : Duc Duc (1883, règne de trois jours), Hiep Hoa (1883, assassiné après quatre mois de règne), Kien Phuc (1883-1884), Ham Nghi (1884-1885), Dong Khanh (1885-1889), Thanh Thai (1889-1907), Duy Tan (1907-1916), Khai Dinh (1916-1925), et enfin Bao Dai (1925-1945) le dernier empereur de la dynastie Nguyên. Une période où ces rois fantoches prônent un collaborationnisme affirmé à l’égard de l’occupation française.
Dong Khanh, est le fils aîné du prince Nguyen Phúc Hong Cai (ou Kien-Thai-Vuong) - le frère de Tu Duc qui est le vingt-sixième fils de l'empereur Thiêu Tri - et également le grand-frère de Kien Phuc. Ne disposant d’aucun héritier, son oncle Tu Duc l’adopte et lui donne le titre de Duc de Kiên Giang. À la prise de la cité impériale par l’armée française, le jeune empereur Hàm Nghi prend le maquis – dans la base militaire de Tan So à Quang Binh - sous l’initiative des régents de la cour Nguyen Van Tuong et Ton That Thuyet ayant orchestré un attentat contre le général Henri Roussel de Courcy. Ce dernier, avec le résident de Champeaux de France incitent l'impératrice douairière Nghi Thiên à introniser le demi-frère aîné de Hàm Nghi, le prince Nguyen Phúc Ung Ky.
Le règne de trois ans, quatre mois et neuf jours de Dong Khanh accuse un démarrage en demi-teinte, car sans autorité sur les étrangers, ni sur la classe dirigeante des lettrés ayant fait cause commune avec le régent Thuyet. Il connait par la suite un large soutien des autorités françaises qui soulignent sa fidélité à remplir ses obligations à leur égard et la sympathie de ses engagements envers la France. Fin intellect féru de littérature, ce jeune empereur affable observe une conduite envers ses frères et parents en parfaite harmonie avec les principes du Confucianisme et adopte volontiers les coutumes étrangères, d'une manière qui surpasse celle de beaucoup de ses compatriotes.
De ses onze concubines, il obtient neuf descendants directs dont
six fils (incluant Nguyen Phúc Buu Dao, le futur empereur Khai Dinh), et trois filles, dont la princesse Ngoc Son (Nguyen Phuc Di Hy, souvent appelée à tort Hy Hy). La princesse Di Hy est la deuxième fille de Dong Khanh, et la seule qui atteint l'âge adulte. Elle se marie avec le commandant en chef Nguyen Huu Tien, responsable militaire de l’empereur Khai Dinh, et fils de l'académicien Nguyen Huu Thang, un haut mandarin de la dynastie. De leur union naît une fille, mais la princesse tombe rapidement malade et décède à l’âge de vingt ans. Suivant les souhaits de sa conjointe, le prince consort Tien se remarie avec une princesse royale, la princesse Thi Tran, fille du prince Kien Quan Ung Quyen, frère cadet de Dong Khanh. Sept enfants seront le fruit de ce mariage. En 1917, l’empereur Khai Dinh honore à titre posthume sa jeune sœur Di Hy, la princesse Ngoc Son, en lui conférant le titre posthume de Trang Nha.
En 1921, non loin du point de confluence de la rivière Dong Ba, et de la rivière Huong (communément nommée rivière des Parfums), Nguyen Huu Tien construit une maison-jardin en mémoire de sa défunte femme, un lieu où il demeure avec sa femme et leurs sept enfants. Depuis plus de 90 ans, les descendants de Nguyen Huu Tien, et notamment Mme Nguyen Thi Suong, sa petite-fille, qui en est désormais l’officielle propriétaire, protègent, vénèrent et préservent ce site historique avec son mari Phan Thuan An, un historien célèbre de Hue. Un esprit transmis à leurs trois enfants, qui travaillent dans le domaine de la préservation et du patrimoine de la ville.
Aujourd’hui, cette maison-jardin se visite en compagnie de l’un des trois enfants en question : Phan Thuan Thao, docteure en Études culturelles, spécialisée sur la musique de chambre impériale, qui a participé à la constitution du dossier d'inscription de la musique Nha Nhac de la cour royale de Hue au patrimoine mondial immatériel de l'UNESCO ; ou sa sœur Phan Thuan Y, spécialisée sur la préservation de l'architecture de Hue et de ses provinces avoisinantes. En ces lieux, explications sur les caractéristiques singulières d’une maison-jardin qui se base sur les principes du Feng shui, un modèle d'harmonie entre architecture et nature, ainsi que sur l'histoire royale de la famille tout en découvrant une pléthore d'artefacts et d’archives exceptionnelles de la dynastie Nguyên, avec en prime une dégustation de spécialités régionales.
CRÉDIT D'ILLUSTRATION
- Bannière :
grande tenue de la Cour d'Annam, par Nguyen Van Nhan. Manuscrit Nam Giao. Hue, Vietnam, 1902.
- Illustration n°1 :
la cité impériale de Hue, par Tran Quang Tran, École Supérieure des Beaux-Arts de l'Indochine, promotion 1932.
- Illustration n°2 :
l'empereur Dong Khanh.
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